Projet de loi pénitentiaire :
Un éléphant qui risque d’accoucher d’une souris ?
Après avoir été voté au Sénat au printemps dernier, le projet de loi pénitentiaire sera examiné à l’Assemblée Nationale à compter du 14 septembre. Rappelons que la procédure d’urgence ayant été décrétée sur ce texte, il ne fera l’objet que d’une seule lecture au Parlement. Le choix gouvernemental de cette procédure, critiqué par de nombreuses associations et syndicats, constitue pour le SNEPAP-FSU un risque d’appauvrissement du débat sur un texte qui devrait pourtant être fondamental !
Rappelons également que, pour le SNEPAP-FSU, le volet de ce projet consacré aux droits des personnes détenues est en deçà de ce que le monde judiciaire et pénitentiaire attend depuis de nombreuses années d’une « grande loi pénitentiaire ». Ce texte, qui comporte certaines avancées qu’il convient de souligner (accès au téléphone, possibilité de domiciliation…), ne va pas suffisamment loin dans la consécration de l’application du droit commun en détention. Bien plus, il prévoit dans son article 10, des cas de limitations des droits, en des termes si flous et si généraux que ce qui devrait être le principe (consécration d’un droit) risque de rester l’exception.
C’est dans ce sens que le SNEPAP-FSU a continué auprès des députés son travail entrepris depuis la mise en œuvre du Comité d’Orientation Restreint et à l’occasion du débat au Sénat, pour faire valoir ses critiques, revendications, propositions et amendements.
Le projet de loi comporte également un volet consacré à l’application des peines. Si pour le SNEPAP-FSU, certaines propositions font défaut (consécration de la libération conditionnelle d’office et limitation du mandat de dépôt dans le cadre de la comparution immédiate) le projet, tel qu’il a été voté au Sénat, contient tout de même des avancées significatives. Les possibilités d’aménagement de peine doivent en effet être élargies : passage de 1 à 2 ans pour bénéficier d’un aménagement de peine sous écrou, élargissement des conditions d’octroi à tout « projet sérieux de réinsertion ».
L’annonce de la Ministre de la Justice, qui souhaite que la commission des lois de l’Assemblée Nationale revienne sur cette disposition, est extrêmement dommageable ! De longue date, des critiques virulentes et largement partagées par tous les acteurs du système pénal et pénitentiaire se font entendre au sujet des courtes peines de prison. En effet, ces peines créent plus de dommages qu’elles n’apportent d’intérêt. Extrêmement coûteuses pour la société, elles contribuent à gonfler la surpopulation en maison d’arrêt, sans pour autant parvenir à l’objectif de réintégration dans un but de prévention de la récidive. La société a donc tout intérêt à promouvoir d’autres modalités d’exécution de la courte peine que celle, « traditionnelle », de l’emprisonnement en maison d’arrêt.
En effet, au cours de cette période, la personne détenue est bien souvent près de 23 heures sur 24 en cellule, inactive parce que sur liste d’attente pour le travail, la formation, l’enseignement, etc, confrontée à une offre de soins dérisoires au regard des problématiques tant somatiques que psychologiques, « encadrée » par un personnel débordé et tentant de faire face au plus urgent, et dans un cadre inacceptable de promiscuité… alors qu’elle réintégrera à court ou moyen terme la société… La semi liberté, le placement à l’extérieur et le placement sous surveillance électronique ne sont pas des « indulgences » accordées aux personnes condamnées, mais constituent des modalités d’exécution de la peine de prison, plus intelligente pour la société pour donner du sens à la peine, pour contribuer à la réinsertion, et pour lutter efficacement contre la récidive ! Promouvoir le contraire est un manque de responsabilité politique et de sincérité auprès de nos concitoyens.
L’alibi d’une politique de « fermeté » à l’égard de la délinquance, argument électoraliste et démagogique, a fait long feu et les chiffres de la délinquance prouvent mois après mois la totale inefficacité de la politique pénale menée ces dernières années et bien souvent guidée par des objectifs de maintien de l’ordre à courte vue. A cet égard, le SNEPAP-FSU affirme son indignation alors que ces déclarations de la Garde des Sceaux interviennent à la suite d’une lettre ouverte adressée par un syndicat d’officiers de Police au Ministre de l’Intérieur et, bien pire, en reprennent étrangement les propos ! L’actuelle Garde des Sceaux confirmerait-elle par ce biais une nostalgie de ses fonctions antérieures ? Rappelons que c’est pourtant depuis 1911 que l’Administration Pénitentiaire a quitté le giron du ministère de l’Intérieur pour celui de la Justice… Parce qu’il n’appartient pas aux forces de l’ordre de faire justice.
Le SNEPAP-FSU demande donc instamment aux députés de ne pas céder aux sirènes du populisme pénal et de faire preuve de courage politique en préservant a minima les avancées du projet de loi tel que voté au Sénat !
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Paris, le 8 septembre 2009
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