EPA syndicat unitaire de l’éducation populaire, de l’action sociale, socioculturelle et sportive



Insertion des jeunes : un livre vert et puis après ?

Au terme de plusieurs semaines de débats associant un panel d’organisations et personnalités choisies par le haut commissariat à la jeunesse, 57 propositions viennent d’être rendues publiques. Contenues dans un « livre vert », elles font la part à la société civile et aux associations qui, traditionnellement, sont dans un domaine « partagé » avec les puissances publiques en matière d’actions en direction des publics jeunes.

Dans un mélange des genres inhérent à l’exercice du catalogue, on relève des mesures dont certaines font écho à des revendications mais n’y répondent pas et d’autres viennent servir des lobbies. On voit bien que l’objectif est de tenter de faire sortir la France de sa place de 23e sur 30 en Europe pour le chômage des 16-25 ans. Mais ni le calendrier, ni les financements publics ne sont précisés. Or, le financement de ce programme n’est pas acquis. L’appel au mécénat, à des fonds privés (Total par exemple), comme pour le fonds d’expérimentation pour la jeunesse, subordonne les politiques publiques aux priorités de l’entreprise.

Créer un service public de l’orientation, revient en fait, sous la forme probable d’agences territoriales, à liquider les CIO de l’éducation nationale en cherchant à fédérer des acteurs privés ou parapublics (centres d’information des jeunes par exemple) au niveau des territoires. Alors que l’ambition consisterait, à renforcer les outils de l’éducation nationale et à leur assurer un prolongement national pour un service public d’orientation tout au long de la vie intégrant les bilans de compétences.

Initier une dotation d’autonomie des jeunes par le biais d’une allocation maximale de 4 000 euros est très largement en deçà des besoins tant pour la poursuite d’études que pour l’insertion dans un premier emploi qualifié. C’est l’équivalent de quatre mois de minima sociaux ! Ce prêt modulable en fonction des revenus des parents se présente comme une usine à gaz se voulant sociale.

Prendre en charge les jeunes jusqu’à 18 ans relève d’une idée intéressante mais ne précise en aucune manière le statut, ni n’aborde la validation possible pour certaines voies en terme d’activités à reconnaître pour la retraite et la protection sociale.

L’alternance est une vieille recette dont il est illusoire de vouloir doubler les contrats en ces temps de crise économique et d’emploi. Quant au tutorat entre un senior et un jeune, il a un coût qu’il convient de chiffrer et suppose un statut clarifié dans l’entreprise que les propositions ne font qu’esquisser.

Favoriser l’accès au permis de conduire est certes une bonne mesure allant dans le sens de l’autonomie mais cela supposerait aussi pour la rendre pérenne qu’on considère là encore une notion de service public et un encadrement tarifaire en lieu et place des privatisations recherchées.

Créer un service civique volontaire a également un coût. Des éléments de contexte et les modalités de mise en oeuvre invitent à considérer avec scepticisme les effets attendus pour la jeunesse. Un des objectifs est la réduction du nombre de jeunes chômeurs. Le service civique va contribuer à sortir des jeunes des listes de Pôle Emploi sans pour autant donner un réel emploi ou une réelle formation aux jeunes concernés. Il est dit que le service civique ne doit pas se substituer à l’emploi. Les secteurs qui seront ciblés répondront aux « besoins de la société qui sont mal couverts ». Autrement dit, ceux qui souffrent du défaut d’investissement social et de choix politique des collectivités nationale et locales : la solidarité envers les plus âgés, l’écologie, l’animation dans les zones rurales… Quand on connaît le milieu, on sait qu’il faut déjà stabiliser de réels emplois de professionnels sur ces secteurs, avant d’y positionner des jeunes volontaires ! Les fédérations et associations d’éducation populaire sont prêtes à accueillir les jeunes engagés dans le service civique. La précarisation des associations par un retrait des aides de l’Etat serait-elle « compensée » par l’accueil de jeunes en service ?

L’expérience montre que des volontaires, issus d’autres programmes, prennent régulièrement la place d’animateurs qualifiés. Dans le contexte de crise actuel, il est à craindre que le jeunes les plus fragilisés, ou ceux qui sont les plus stigmatisés, ne soient le public privilégié du service civique. Envisagé comme une alternative à l’emploi ou comme un gage de bonne volonté citoyenne « récompensée » à terme par une reconnaissance (dont la forme n’est à ce jour pas déterminée), le service civique pourrait devenir le choix de ceux qui n’en n’ont pas d’autres. Ce projet peut devenir dangereux car ghettoisant.

Nantes, le 15 juillet 2009